Si tu ne comprends rien à l’art contemporain ; si tu as connu Jeff Koons en lisant 20 minutes ou Métro ; si à tes yeux, un dimanche au Musée d’Art Moderne de Paris est un dimanche raté ; si en regardant des œuvres réalisées entre 1970 et 2008, tu te dis "C’est bon, j’aurais pu le faire moi-même" ; alors nous sommes comme frères. Et nul ne comprendra jamais mieux que moi ton ignorance et ton désarroi.
Il se trouve que mon amoureux est, quant à lui, féru d’art contemporain, expert, passionné et convaincu. Et qu’avec une infinie patience à l’égard de mes remarques blondes, il m’emmène quelques fois sur les lieux de sa passion.
Me voilà donc dimanche dernier, rue d’Aubervilliers, à l’inauguration du 104, le nouvel espace artistique de la ville de Paris. Parmi la foule, nombreux sont ceux qui, comme moi, se demandent ce qu’ils foutent là : des familles à poussettes stationnant l’air hagard devant des projections vidéos hermétiques, des couples perplexes passant de salle en salle, des enfants tapant du pied dans les œuvres, des grands-parents cherchant désespérement la buvette.
J’attends le flash, la révélation, la conversion. Rien ne se passe et je rentre chez moi, perplexe.
Deuxième tentative ce week-end avec la FIAC (grand-messe de l’art contemporain) au Grand Palais. La déroute est totale. Rien ne me parle, j’erre sans regard comme dans les allées d’un Géant Casino, écrasant quelques pieds, et écoutant les conversations de la foule réunie. Partout, j’entends le mot "comprendre" : comprendre l’artiste, son intention, comprendre ce qu’il a voulu dire… L’idée d’un art qui parle directement à l’âme, qui choque le cœur, ne semble intéresser personne.
Toujours convaincue que l’art doit être une question de coup de foudre, je quitte la FIAC, dépitée. Le souvenir d’un Basquiat me console.
Troisième tentative acharnée, SLICK, le "off" de la FIAC… au 104. Les artistes sont plus jeunes et énergiques. A tous les coins la culture urbaine s’expose, les conventions craquent, les couleurs explosent. Dans les écuries du 104 s’installe une sorte de féérie où se mélangent mort, sexe et vitesse. Alléluia ! J’adore et souris à tout.
Tout ça pour vous dire que même du fin fond de l’ignorance, nul espoir n’est jamais perdu. Que le 104, pour vous aussi, sera peut être un moyen de vous réconcilier avec l’art contemporain.
Et de toute façon, même si ça ne marchait pas, le 104 n’est pas un endroit où l’on ne va pour rien. Car il est, avec le Palais de Tokyo, le seul lieu parisien muni d’un vieux Photomaton pour faire les idiots sur 4 photos.
Et qu’avec ça, il y a de quoi racheter toutes les désillusions.