Tu sais, j’adore les récits d’explorateurs.
Les destins d’hommes, plus ou moins fabuleux, plus ou moins anonymes, qui parcourent les mers ou s’y abîment.
Et au dessus de tous ceux-là, les commandants et capitaines.
Toujours abordés comme des héros immenses hantés par leur mission. Etres hybrides, quasi-chimères, mi-hommes mi-navires, pieds-marins marchant dans la tempête, éternels affamés survivant aux naufrages.
Et puis, à bien y regarder, derrière cette mythologie abyssale du conquérant, perce toujours la petitesse de l’homme, forcément humble et mortel à côté de la démesure de ses voyages.
Ainsi, dans Zweig*, on découvre un Magellan fou d’orgueil qui butte obstinément contre la réalité. Ramassant moqueries, mépris et camouflets à la cour portugaise. Et finissant blessé à mort sur une plage du Pacifique à force d’avoir joué au plus malin.
L’humanité derrière le mythe, voilà ce qui est le plus fantastique dans les récits d’explorateurs. Et voilà ce que l’exposition "Le mystère Lapérouse", au Musée de la Marine, a parfaitement su retranscrire à travers les pérégrinations et disparition de l’Astrolabe, navire ayant vogué 4 ans sur les traces du capitaine Cook.
Dans le musée, il y a la vie à bord, les tensions entre les hommes, la naïveté des découvertes anthropologiques, le souvenir d’un physicien geek, les mesquineries d’un dessinateur animalier, les naufrages, la mort de l’aumônier, la joie des haltes à terre. Il y a aussi une loutre empaillée à pleurer de rire. Et enfin, l’Astrolabe qu’on exhume du fin fond de la mer après 200 ans passés à hanter les mémoires.
Navire inoubliable et persistance fantomatique.
Laissant un souvenir finalement aussi insubmersible que ce père qui, pour rien, gifla samedi son fils dans les allées du musée.
Jusqu’au 20 octobre au Musée de la Marine, Paris
*Stefan Zweig, Magellan, Editions Grasset
Commentaires