Comme elle se produit souvent, je lui ai donné un nom : l'arithmétique de la déception. Derrière ce terme, il faut comprendre que les chances d’être déçu par une chose sont proportionnelles à l’impatience qu’on a à connaître cette chose. Autrement dit, que l’enthousiasme ne s’accommode que de la surprise.
Ainsi, l’exposition que consacre actuellement la MEP à Annie Leibovitz, mythique "portraitiste de stars" dont j’attendais beaucoup, m’a désappointée.
Il existe ailleurs de belles photos de célébrités. Celles, un brin saphique, de Bettina Reims par exemple, sont des merveilles poétiques, des plongées dans des univers opaques, qui parlent d’êtres, plus que de promotion et de star-system (même si quelquefois, les agendas s’accordent).
A l’inverse, dans le travail d’Annie Leibovitz, on a l’impression d’assister à l’exécution d’un contrat tacite où la photographe choisirait toujours de se conformer aux souhaits de son célèbre modèle, l’aidant à ne montrer que ce qu’il veut bien laisser voir. Alors que chez beaucoup de photographes, le portrait est un art de capture, de détournement et de révélation de l’invisible, chez Leibovitz, l’émotion humaine reste un territoire dépeint de façon assez convenue. Des photographies techniquement parfaites redessinent sagement sur les lignes pré-traçées du personnage médiatique, s’assurant ainsi qu'aucune surprise ou marque d'intimité ne sorte jamais du cadre.
Seules exceptions à l’homogénéité d’un travail plus conservateur qu’iconoclaste, les photos de sa famille et de sa compagne Susan Sontag, qui paraissent arrachées vivement au temps et à la mort. Une urgence et un ailleurs que l’on ne perçoit hélas nullement dans ses œuvres de commande, qui comparativement à ces intimes instants de grâce, déçoivent souvent et ennuient toujours.
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