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Madrid, ses tapas, sa San Miguel et… son GPS

On partirait du principe qu’on se ficherait de ce que j’ai fait de mes vacances. Tu ne sauras donc pas ce que j’ai cuisiné au barbecue ou dévoré dans des bars à Tapas. Tu ne sauras pas comment je me suis battue à mort -et chacun dans sa langue- avec le gardien ultra-bas-du-front de l’Alcazar de Segovia, ou quels lieux j’ai visité en traînant la savate (because trop de churros tue le tourisme).

Je sais, ça fait longtemps pourtant que je te menace d’une soirée diapo. Ton heure viendra bien assez tôt, ne t’inquiète pas. J’attendrai de résider dans un hôtel avec, dans ma chambre, une corbeille de fruits offerte que je photographierai sous 5 angles différents (peut-être que je prendrai aussi la salle de bain, et l’écran plat).  Et ce jour là, tu en auras pour tes mirettes. C’est garanti.

En revanche je vais te parler du lien délétère que j’ai entretenu avec un GPS que nous avions cru bon de louer en même temps que notre voiture à l’aéroport madrilène. Si tu comptes un jour aller à Madrid, ce récit s’annonce passionnant.

Le GPS a marché 15 minutes. Le temps d’arriver à la maison. Et à partir de là, tout a dérapé. Il a fait comme s’il n’avait plus de réseau. Et il s’est muré dans un silence obtus.

Au début (enthousiasme du débutant) on n’a pas eu peur et on s’est dit : "Madrid et ses environs, nous, on te plie le dossier en 5 minutes".

Le problème est que les panneaux de circulation à Madrid te font comprendre toute la dense profondeur du concept de "différence culturelle". Absolument PARTOUT, tu as des indications pour aller au «centro commercial». Sauf qu’une fois que tu as fait ton stock de chipolatas et de bières, le «centro commercial», tu t’en cognes pas mal. Tu penses même que tu irais bien dans le centre-ville, pour changer.

Que nenni, forfantin ! Les choses ne sont pas si simples !
Car de panneau «centre ville», il n’y en a point. Nulle part. En revanche tu as partout des noms de places. Plaza del Costello, Plaza de Lima, Plaza de Toros, Plaza de ca-m-avance-pas-mal-tout-ça.  Ce qui est facétieux, c’est que dans l’hypothèse miraculeuse où tu connaîtrais l’une de ces places, TOUS (ne crois pas que j’exagère) les panneaux qui les indiquent sont cachés derrières des buissons ou des arbres. Et que, dans ces conditions, chaque transport devient légèrement compliqué (euphémisme, euphémisme, quand tu nous tiens).

Interruption des programmes. Côme et Alexandra vont ils s’en sortir dans une Madrid à la topographie hostile? Le GPS va t’il re-fonctionner? Vont ils se contenter des Burger King et des Knacki Balls du "centro commercial"?
Le suspense est majeur et l’enjeu passionnant comme dans un feuilleton d’été d’une chaîne de grande audience.
Pour la suite revenez demain.

Essayez de dormir cette nuit, quand même.

Faut pas se moquer des parisiens, ils n'y sont pour rien

Mon ami m’a prévenue : "Alexandra, si tu t’entêtes à porter ce vernis rose, nous ne partirons pas ensemble à Madrid".
Evidemment, il ne tiendra pas parole. Parce qu’il l’a vu affiché partout dans Paris : "L’abandon n’est jamais la solution". Tandis que le dissolvant, peut-être…

Après ce saut madrilène, je reviendrai à Paris, en vacances, mais solidaire de ceux qui restent.

Pour eux, je m’engage donc :
- à aller voir Hulk
- à faire au moins une activité de touristes hard core (type Mont Saint Michel, ou pire)
- et à vous faire un rapport

Pensez à moi.
Je penserai à vous.

Et surtout à toi qui te reconnaîtras et dont les hauts décibels me manquent déjà!

Découvrez Joe Dassin!

Ca s’arrête où, les découvertes ?

Tant que les vacances sont encore loin, certains slogans peuvent faire rêver en parlant de grands horizons atteignables sans bouger. Ainsi, si "Rien ne vous transporte comme un Folio" n’est déjà pas mal, il est dérisoire à côté de l’exotique et prometteur "Vous n’êtes pas au bout de vos découvertes" de France Loisirs.

Ca tombe bien, il y a un France Loisirs à côté de chez moi. Lorsque je passe devant, chargée comme un baudet (les bras lacérés par des dizaines de sacs de courses, l’air hagard et le portefeuille dans la bouche, cherchant vainement mon trousseau de clés avec mon pied), il y a toujours deux hôtesses à l’entrée racolant abruptement pour me refiler leur carte d’abonné. Oui, on parle bien de la carte qui t’oblige à acheter.

Avide de découvertes et guidée par le sens du devoir, je suis entrée récemment dans la boutique. Et effectivement, aller chez France Loisir, c’est déjà voyager. Dans ses rayons, on retrouve d’un coup l’ambiance cartonnée-plâtrée et lacrymale des librairies de gare : étals de prose en suspension entre légèreté inoffensive et bêtise à pleurer, torrents de Danielle Steel, best-sellers sans gloire, chair à téléfilm, pages de mots croisés à partager après la sieste, fables matriarcales apprêtées en tragédie…

France Loisirs, librairie de gare, mais libraire d’une gare sans trains, plutôt spécialisée dans les voyages dans le temps. Il suffit d’un saut au rayon musique, et vous voilà transporté en arrière au temps archéologique, ou en avant… à l’heure des Fins Dernières. Chaque disque s’expose comme la carte d’un jeu ayant pour règle : "Devine si cet artiste est encore vivant ou déjà mort!".
D’ailleurs, toi aussi, sur le blog RPCA, tu peux jouer et t’entraîner à ta prochaine visite chez France Loisirs!

- Demis Roussos
- Frédéric François
- Didier Barbelivien.
- Franck Michael (comment ça, c’est qui ?)
Alors ? Alors ? Vivant ? Mort ? En purgatoire ?
Détends toi, tu as le temps de réfléchir.

Et puis chez France Loisirs –mais c’est ici que ça devient touchant- tu peux déposer tes photos dans des enveloppes ayant refusé de vieillir depuis l’argentique. Pour un peu, tu cocherais la case "développement express" et lâcherais un billet de plus, impatient de voir revenir à toi des pellicules transparentes, sépias et régulièrement poinçonnées.

France Loisirs ne ment pas. Il s’agit bien d’un monde de découvertes dont on ne voit pas le bout. Abyssal comme le passé et infini comme une horloge arrêtée.

Musique hantée

Avant de commencer cette note, j’aurais une pensée émue pour Nellio, avec qui nous discutions, il y a presque un an déjà, de la question suivante :
«Le Blog RPCA, il doit parler de RP et de com’ (la recommandation de Nellio)? Ou doit-il dire n’importe quoi (mon envie)?».
Ce jour-là, j’ai choisi mon camp, et comme je mets un point d’honneur à rester fidèle à la parole donnée, la note d’aujourd’hui ne dérogera pas à la règle : ce sera du grand n’importe quoi.

Car ce matin, nous allons parler de musique et de spectres. "Les jeudis de l’angoisse" en quelque sorte , pour ceux qui s’en souviennent (M6, spéciale kasdédi).

Il y a chez Eurodisney une attraction, où l’on assiste aux noces de fantômes. Je n’ai jamais trop compris l’histoire, mais il semble qu’une jeune femme doit se marier. Là, manque de bol, son fiancé meurt. A partir de là, elle commence à vivre exclusivement avec des revenants. Bref. Ils dansent, ils pleurent, ils rigolent les mâchoires à l’air. C’est sinistre et ponctué des Ouh-Ouh-Ouh lyriques et hantés de la veuve éplorée. Ca claque comme un Tim Burton. Et ça rend pote avec les spectres.

Du coup, si une nuit, en rentrant chez moi, j’entendais le fameux Ouh-Ouh-Ouh au fond du couloir, je ne serais pas exactement rassurée. Mais je trouverais ça beau. Peut-être même que je paierais une tisane à la trépassée.

Ca n’a pas encore eu lieu. Alors en attendant, je réécoute ce titre indispensable d’Arcade Fire, où une petite fantômette fait planer sa voix de cristal en final.

Découvrez Arcade Fire!

Ou ce morceau de Syd Matters, où une revenante fait aussi des vocalises.

Découvrez Syd Matters!

Qui sont ces femmes ? Quelle est leur histoire ? Que viennent-elles faire là ? A t’on toujours besoin d’une morte pour faire un beau morceau (comme on a besoin d’une cruche pour faire une bonne émission de télé-réalité) ? Si oui, pourquoi ? A travers elles, à qui rend on hommage ?
L’ancêtre immémoriale ?
L’Ophélie de Rimbaud ?
L’enfant qui joue derrière le rideau ?
Carlos ?

Je veux dire, pourquoi aime-t’on les fantômes ? Alors qu’ils ne sont sans doute pas tous aussi sympa que Casper.
Vous avez une piste, vous ?

Moment de solitude, aka Giga lol

Chez le marchand de légumes, les trois tenanciers réunis à la caisse, l’air jovial. L’un d’eux se lance :
- Mademoiselle ! Vous êtes trop grande ! Vous mesurez combien ?
- 1m90
- Wahou ! Et vous êtes tous comme ça dans la famille ?
- Mon frère fait 2 mètres
- (Les trois en chœur) Wahouuuu !
- Et vous faites du sport ?
- Non, non, tous les deux, on est tout maigres. On n’est pas du tout des sportifs.

Et là c’est le drame :
- Ah mais non, vous, vous n’êtes pas mince !
- Pardon ?
- Non, non ! Vous n’êtes pas mince hein ! Vous êtes impeccable, franchement, ça va !
- …
- Non, vraiment, vous n’êtes pas mince !
- Bon, c’est bon là…

Ca vaut le coup de faire tourner le petit commerce.

Muscles, musique, prodige

A part vendeur chez Bricorama, et excepté mon emploi actuel (eh !eh !eh ! Hello Thierry !), le boulot qui me fait rêver la nuit est celui du mec en charge de trouver la musique qui va claquer sur une série d’images.

Et le dernier en date qui a une classe telle que je pourrais lui baiser respectueusement les pieds, c’est l’individu qui a choisi la deuxième minute et la trente-sixième seconde d’une chanson des Killers pour illustrer la dernière pub Nike, intitulée "Courage".

De même qu’un Neighborhood d’Arcade Fire pourrait dynamiter ta vie, qu’un Bullets de Tunng pourrait te faire étreindre l’humanité entière, cette minute musicale des Killers te plonge dans un rythme d’adrénaline et de tension digne.
C’est sûr qu’avec Papayou de Carlos, ça n’aurait pas eu le même effet.

En fait l’association musicale marche tellement bien que tu te mets à regarder les images qui défilent avec une intensité sans distance. Tu ne vois même plus des athlètes, mais juste un universel de dépassement. D’apprivoisement sauvage. D’arrachage total. De point de rupture. D’effondrement. De détermination et de victoire.
Tu vois défiler tout ce qu’a déjà ressenti quiconque a déjà eu le courage de faire violence à sa peur en engageant son corps.
Toi.
Moi.
Un autre.
Pas besoin d’aller à Pékin pour ça.

Avec Courage, Nike signe un coup de maître : jouer la carte de l’intériorité et de la ressource universelle ("Everything you need is already inside" and "just do it"), pour s’affirmer comme l’équipementier des colosses olympiens. Et devenir celui des héros ordinaires.

Vu chez Cyrille

Lumières, ténèbres, M6 et Bricorama

Je dois te dire une chose. Je te préviens que ce ne sera pas humble.
J’ai un don pour le bricolage et une compréhension quasi-mystique des fils dénudés, des chevilles à plâtre, des mèches de 6, des vis de 4, des dominos, des prises de terre, des papiers de verre, des enduits, et des tournevis cruciformes. Ma mère remercie souvent le Seigneur d’avoir enfanté dans la douleur un tel génie bricoleur.
Et m’appelle quelquefois à la rescousse.
Ainsi, hier soir, me voilà debout sur son canapé en train d’insulter une applique murale. J’ai bien envie de te dire ici ce que je pense des douilles fabriquées en Asie, mais ce serait nous éloigner trop du sujet.
En bref, face à la résistance et aux disfonctionnements pernicieux de la matière, j’avais atteint un tel degré d’exaspération, que seul un documentaire animalier aurait pu me calmer.
Malheureusement, les chaînes hertziennes ont depuis longtemps abandonné le genre éthologique en prime-time. (C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’ai plus de télé depuis 10 ans). En revanche, M6 proposait… L’amour est dans le pré.

"Une histoire d’amour et de ferme" me suis-je prise à rêver en lisant le titre. Je voyais déjà la chemise à carreau de Heath Ledger se dessiner sur fond de Brokeback Mountain.
En fait, non. Ce n’est pas ça.
Pas du tout, même.
Je te fais le pitch : des fermiers célibataires rencontrent des citadines et se maquent avec elle en direct. La rencontre entre la ratte des villes et le rat des champs se passe au poil. La voix off de l’émission nous abreuve du mot Amour pendant que l’ingé lumière braque son spot cru sur le nouveau couple qui s’échange de chastes baisers à côté du poêle à bois.
"Il y a du love. Il y a de la joie. Alors, quel est ton problème Alexandra?" te dis-tu.

Je vais te dire le problème. Le problème n’est pas l’impudeur. Le problème est le cynisme immonde d’une production télévisuelle qui s’attache à montrer du pathétique et du misérable, en voulant faire croire à ses bonnes intentions.
A Marrakech un plan sur une des participantes, gaulée comme une baleine blanche enceinte de jumeaux, s’enchaîne avec celui d’une naïade sublime. Un des fermiers de 37 ans, rongé d’angoisses, a toujours besoin du consentement de sa mère pour embrasser une fille. Une famille entière attend avec une fébrilité inquiète "l’heure d’ouvrir les bouteilles de l’apéro", et ce n’est que le matin.
D’accord.
Rire de la misère d’autrui est un registre comique qui peut être brillant, je ne compte pas le condamner. Mais rire de la misère d’autrui avec une telle mauvaise foi, sous couvert d’empathie et de sincérité généreuse, voilà l’œuvre d’âmes tristes. Le travail de petits vieillards.

Et pendant que M6 s’assèche dans sa ouate de mépris élitaire, je retourne à mes ampoules.
Si tu as besoin de moi pour de menus travaux, tu sais où me joindre.

Séance d'été

Il y a quelques semaines, Youtube lançait Youtube Screening Room, "salle de projection" de courts-métrages indépendants et professionnels. Depuis, quatre nouveaux films sont mis en avant de manière hebdomadaire.

C’est ainsi que j’ai découvert Love and War, opéra de 14 minutes en marionnettes, vainqueur en 2007 du Los Angeles Film Festival, du Golden Lion Film Festival et du Nordisk Panorama.

Un chef d’œuvre comme un poignard dans un cœur sentimental, et qui m’a fait chialer comme un enfant sur mon clavier.

Pour sortir des larmes, il y a aussi I met the Walrus, 5 minutes d’animations sous acide, qui doublent les mots de John Lennon, crépitant encore dans le dictaphone d’une chambre d’hôtel de 1969.