La maternité ne va jamais sans un certain gâtisme.
D’après le RPCA’s Anatomy : «Lors de l'accouchement, la libération d’ocytocine (hormone de l’euphorie) s'accompagne régulièrement d'une ablation des organes appelés décence et discernement. S'ensuivent une série de comportements étranges mettant en péril la vie sociale de la parturiente».
Alors, puisqu'une de mes amies les plus chères est désormais enceinte. Et parce que plus le temps passera, plus l'encerclement progressera, il m'a semblé nécessaire de mettre au point une charte.
A faire signer à vos amies primipares le plus en amont possible, et à ressortir au moment opportun pour sauvegarder vos yeux, vos oreilles et votre belle amitié.
1. Je ne parlerai pas en son nom
"Je m'appelle Tartenpion, je pèse 3 kilos 5 et mesure 55 centimètres". Pourquoi diable s'engager systématiquement sur ce terrain ? A t'on déjà vu un nouveau-né mou comme un filet de veau occupé à se jauger avec sa petite toise et sa petite balance, avant de prendre son feutre et sa photocopieuse pour rédiger un faire part ?
Je ne crois pas.
Alors arrêtons tout de suite avec cet animisme de mauvais aloi. Restons réaliste.
Etre réaliste, c’est aussi éviter de prendre votre enfant comme prétexte pour parler de vous. Par exemple "Je suis arrivé(e) ! Papa et Maman sont fous de joie et resplendissants". Pourquoi un nouveau-né innocent mentirait il déjà si effrontément, lui qui aurait du dire "Maman a le teint vert, le ventre gros et mou et s'assied sur une bouée" ?
Pourquoi serait il également nostalgique, comme vous le prétendez ? A peine 24 heures d’existence et déjà en plein flash-back : "Je m'appelle Tartenpion, je viens de passer 9 mois au chaud. Il fait un peu froid dehors mais je vous fais pleins de bisous quand même". Bien Tartenpion. Et si maintenant tu nous racontais à quoi ressemblent les spermatozoïdes de ton Papa ?
Vraiment, soyez patient. Votre enfant parlera à 2 ans, comme tout les autres (ou à 4 ans, comme Einstein). A ce moment là, vous serez libre d’agir comme ces horribles parents qui confient le message de leur répondeur à leur progéniture ("Allooo? Papa il est pas là. Tu laisses un message?").
D’ici là, contentez-vous de la réalité. Mais sans pour autant vous sentir obligée de basculer dans un réalisme à la Zola. Ce qui sera l’objet du point suivant.
2. J'éviterai les détails crus
Ca commence innocemment avec le récit de l'accouchement. Ca bascule très rapidement dans le film d'horreur gonzo. On a beau se réjouir (ou non) de la venue au monde d'un nouvel être, on se passerait volontiers de la durée du travail, des points de suture, des dilatations à 12, des projections diverses et des destinées placentaires.
Certains croiront qu'il ne s'agit que d'un mauvais moment à passer. Pourtant non, il n'y aura pas de lendemains qui chantent. Car l'épisiotomie cicatrisée, le nouveau sujet tendance sera le rythme digestif du chérubin.
Les parents égarés insisteront pour prendre en photo l’ innocente (?????) régurgitation de Tartenpion sur votre épaule. Et vous appelleront sans doute pour vous donner des nouvelles du pot. Incapables de comprendre qu’entre l’intestin d’un adulte et l’intestin de Tartenpion, il y un élément commun qui pose également problème : l’intestin. Justement.
Si vous êtes enceinte, concentrez-vous pour ne pas basculer. Le meilleur moyen est de ne jamais commencer à aborder ce genre de sujets. Jamais.
3. Je ne chercherai pas à convertir mes proches à ma nouvelle religion
Tout le monde sait qu'un nourrisson est ignoble, presque autant qu'un obèse chauve et édenté resté trop longtemps à tremper dans un bain.
En général, tout le monde le sait SAUF la mère du nourrisson, persuadée que sa progéniture est l'Elu faisant exception à la règle, et décidée en conséquence à annoncer au monde la bonne nouvelle.
A cause de cette effrayante mystique prosélyte, des personnes innocentes ou inconnues se trouvent inondées d'albums photos, et de mails emplis de menaces à peine voilées sur ce qui les attend si elles ne gémissent pas des Ooooh et des Aahhh en face du Kojak cataleptique.
Faut il obéir, faut il perdre son âme en cédant à la terreur? L’Histoire a prouvé que l’entrée en résistance était la seule solution dignement possible : notifiez votre expéditrice comme SPAM.
4. Je n’essaierai pas d’inséminer les autres femmes
Vous avez montré de la réticence à vous inscrire à la page Facebook "Léa c'est la plus chou des chou-bidou-bidou". Vous n'avez pas relancé la discussion quand elle s'est engagée sur le degré de résistance des Pampers. C'est sûr, vous n'êtes qu'une infâme jalouse stérile et acariâtre. Pourtant pas revancharde face à votre impardonnable amertume, la jeune mère, au lieu de vous négliger, va tenter de vous convertir. De manière plus ou moins pernicieuse.
Soit en déclinant pour vous les joies immenses de la maternité : amour, tendresse, mamelons crevassés, réveils nocturnes, passage dans le monde adulte.
Soit en vous couvant de son regard marial et sincèrement peiné de vous voir ignorer la divine expérience de mettre bas. En substance, son attitude vous informe que, sans enfant, vous êtes à peu près aussi incomplète et pathétique que si vous n'aviez jamais connu l'orgasme. Justement. Si ses allusions vous dérangent, n'hésitez pas à prendre des nouvelles de sa rééducation périnéale.
En conclusion, il est évident qu’une dépression post-partum murant les jeunes mères dans le silence et l'isolement est un scénario tout à fait idéal. Mais puisque ce mal n’est statistiquement pas si répandu, je crois que ces 4 commandements, bien respectés, sauront nous éviter le pire.