A toi, père ou mère actuellement en vacances.
A toi, qui a décidé de partir au Club Med, au Club Look Voyage, au Club Bourboule, pour réconcilier l'inconciliable : être libre mais pris en charge. A toi, qui a décidé de confier ta progéniture aux animations du Club Junior pour profiter, en adulte accompli, de la plage, des fesses des baigneurs/ses, des cocktails triple sec et des langoustines au barbecue.
Tu crois te reposer, et pourtant tu sais que chaque heure te rapproche d'un drame décisif.
Non, je ne te parle pas de la fin des vacances et de l'heure de boucler tes valises pour revenir.
Mais du sacro-saint spectacle final commis par les enfants du Club.
Le spectacle où tu brandiras ta caméra DV pour immortaliser ta fille déguisée en papillon turquoise, ou ton fils vêtu de peaux de bêtes dansant sur Africa de Rose Laurens.
Ce sera dur. Ce sera long. Ce sera pénible.
Console toi en te disant que dans 20 ans, tu pourras exhumer cette vidéo du placard pour faire fuir ce jeune homme dont tu ne voudras pas être le beau père, et infliger du même coup à ta fille quelque chose qui pourra s'appeler "la honte de sa vie".
La "honte de sa vie", on ne sait pas si c'est ce que ressent aujourd'hui Céline Dion lorsqu'elle revoit les deux vidéos qui suivent. On ne sait pas non plus dans quel club, et sous l'emprise de quelle drogue, se trouvait elle au moment des faits.
Attention les yeux : la première.
En voyant ceci on comprend que Michaël Jackson n'est pas mort pour rien.
Et si Cindy Lauper venait elle aussi à décéder, son hommage est désormais tout trouvé.
"- Dis-moi petit, t'aimes mieux ton père ou ta mère ? - J'aime mieux le lard ! "
De cette plaisanterie troublante entendue dans mon enfance, je vais donc m'inspirer pour me livrer sous vos yeux à un exercice périlleux : comparer l'incomparable.
10 heures de travail harassant effectuées un jour férié ne sont pas étrangères à l'éruption de cette idée étrange. Je vous serai donc bien obligée d'être compréhensifs si je tombe du trapèze, et si mes mots sont chétifs comme un vieux lion gâteux de cirque.
Ce soir donc, chers amis, nous allons comparer 3 natifs du "if", j'ai nommé :
- le château d'If
- Négatif de Benjamin Biolay
- If de Etienne Daho et Charlotte Gainsbourg
Je n'y suis pas (non, ce soir je suis tout près de Christophe Maé qui va faire tomber la pluie et la grippe A sur le champ de Mars), et pourtant c'est tout comme si j'y étais. A Marseille, le soleil est insolent et la mer est bleue marine. Au Vieux Port, des hordes de touristes envahissent en riant de petits bateaux qui flanchent sans se plaindre. Des appareils photos suspendus à leur cou et à leurs poignets basculent au dessus de l'eau alors qu'ils se ruent sur des bancs de bois trop étroits pour eux. Leurs cuisses nues se touchent et se caressent entre elles mais ils sont trop tendus vers l'horizon pour en être offusqués ou excités. Le Château d'If au loin les appelle. Ils rêvent aux fantômes d'illustres bagnards et se racontent encore tout haut les histoires d'un comte qu'ils n'ont lues qu'à moitié il y a plus de vingt ans.
Les exploits d'Edmond Dantès sont rabattus et écorchés pendant que le bateau démarre.
A bord, il n'y a pourtant personne pour penser au rhinocéros indien qui fit escale en 1516 sur l'îlot d'If, avant de faire naufrage et de se noyer dans le golfe de Gênes après avoir repris la mer.
Pauvre rhinocéros "Gravé pour longtemps dans les récifs" comme dirait Benjamin Biolay dans l'album et le titre Négatif.
C'est en 2003. Biolay a le visage de la beauté et la douleur n'est pas gravée sur ses traits. En 2003, des jeunes filles du 16eme arrondissement ondulent sur ce qu'elles prennent pour des balades, et rêvent peut être d'épouser ce mélancolique garçon de bonne famille. Parce qu'il ira mieux bientôt et aussi, parce que sa souffrance est jolie.
En 2009, Biolay boit sûrement trop. Son regard et son ton n'ont plus l'ambiguïté des débuts. Les jeunes filles du 16ème arrondissement se sont fiancées, et frémissent rétrospectivement en entendant "Mais mort ou vif, je reste négatif". Ce soir, elles onduleront plutôt en écoutant Christophe Maé qui certes, s'attache, s'abandonne et s'empoisonne... mais fait ça proprement et de loin.
Il est 20h16. J'aimerais que quelque chose vienne soigner la peine que m'ont inspirée les rimes en if de Benji. Alors, je me tourne vers If d'Etienne Daho. Plus que le rythme folichon de cette vieille balade pop et entraînante, deux choses réparent mon coeur :
- la beauté de Charlotte Gainsbourg (ce qui suppose de regarder la chanson plus que de l'écouter)
- la parfaite ressemblance entre Etienne Daho et mon ostéopathe qui serait à tous points de vue l'homme de ma vie s'il n'était pas irrésistiblement gay.
Mon osthéopathe est sublime, et a un nez tout à fait imposant qui ajoute à sa beauté. A l'évoquer, mon esprit vagabonde et s'apaise. Et pendant que me viennent ces mots "C'est un roc !… C'est un pic !… C'est un cap !… Que dis-je, c'est un cap ?… C'est une péninsule !", ce n'est plus dans mes yeux l'ostéopathe, mais le chateau d'If qui apparaît sur son rocher.
Aussi clair que dans mon enfance, lorsqu'on me racontait sous le soleil de Marseille une plaisanterie qui disait :
"Dis-moi petit, t'aimes mieux ton père ou ta mère ?