Signe des temps. Les deux temples parisiens de la photographie contemporaine sont consacrés au même moment à des portraitistes de célébrités. D’un côté, Annie Leibovitz à la Maison Européenne de la Photographie. De l’autre Richard Avedon au Jeu de Paume.
On aurait pu redouter les ravages d'un art "people", surtout après avoir vu l’expo Leibovitz. Pourtant la rétrospective d’Avedon est positivement impressionnante.
Leibovitz orchestrait ses prises de vue, multipliant les signes pour conjuguer l’esthétique et le sentimental, atteignant finalement des portraits à l’émotion consensuelle bien cadrée et rabotée. De la couverture idéale pour Paris Match (ou Vanity Fair. ah. ah).
A l’inverse, Avedon était témoin. Fond blanc, lumière naturelle. Pas de décor. Pas de mise en scène de son modèle. Attendant que quelque chose arrive, que ses portraits deviennent le terrain d’émotions juste affleurantes, retenues, discrètes, pudiques. On devine dans un mouvement, un relâchement ou une tension, des secrets muets. Denses mais indéchiffrables. Des silences humains impénétrables. Autant sur les visages de texans miniers que sur ceux de célébrités. En fait, le nom des modèles est totalement indifférent.
En regardant Avedon, vous n’apprendrez pas que Demi Moore est aussi une femme courageuse et enceinte ou que Leonardo di Caprio est l’ami taiseux des cygnes blancs. Avedon ne construisait pas de messages sur son modèle. Il ne faisait pas de la photographie un moyen de modeler la réalité, la capturer ou la retenir. Mais un médium du fugitif et du subtil. Jamais inquiet de ne pas savoir comment rendre les gens immortels.
Un calme sage et distant qu’il savait dire quand on lui parlait des portraits des dernières années de son père : "Ce n’est pas mon père sur le mur. C’est une photographie de mon père. On a tendance à penser qu'une photographie est un enregistrement de quelque chose vu de manière objective. C'est impossible".
Jusqu'au 17 septembre au Jeu de Paume, Paris.
J'arrive très en retard... L'expo de Avedon était en effet impressionante, car ses photos reposent souvent sur une forme de simplicité & de réalisme étonnant... Un réalisme en trompe-l'oeil, bien sûr.
Rédigé par : mk | 02 mai 2009 à 14:21