J'ai lu sur Libération.fr un article navrant. Un portrait de
Patti Smith. Par Marie Dominique Lelièvre.
Un texte qui reconstruit l’histoire de l’art. Une prise de
position vertigineuse dont on ne sait si elle doit être lue comme une farce ou
avec componction. Mais dont les assertions laissent forcément ahuri :
- Walt Whitman était pour
Neruda, Borges, Pessoa, autant que pour de nombreux auteurs du mouvement Beat,
un modèle et un inspirateur. Lelièvre néglige l’hommage et l’héritage, et ramène le
poète humaniste à l’insigne "bonne marque du romantisme"
- Si William Burroughs a dit "Patti Smith fait résonner la
cloche de la poésie pure", Lelièvre est formelle : Patti Smith n’EST pas poète mais "passe pour un poète", à force d’opportunisme et de poses adolescentes
et "rimbaldiennes" (épithète jeté là comme un gros mot attardé).
- Patti Smith a écrit, composé, photographié et dessiné tout au
long de sa vie. Détail insignifiant et négligeable pour Lelièvre qui n’y accorde pas
un mot dans son article, préférant consacrer cinq lignes crispées à la propreté
de sa chemise et à l’ombre de sa moustache
- Lester Bangs (un modèle pour bien des journalistes de Libé, je
crois) voyait en Patti Smith une figure musicale révolutionnaire et
fondamentale. Lelièvre crie à l'imposture et restitue le succès d’Horses aux services providentiels d’un
producteur arrangeant et à un heureux accident de calendrier
- En 1976, Stevie Wonder changeait la face de la musique occidentale avec un
album engagé dont Pasttime Paradise sonnait comme un emblème. Mais pour Lelièvre, le titre n’est
rien de plus qu’une succession de "grands mots convenables".
Certains hommes défient l’art pour le renverser génialement. D’autres lui crachent
au visage par simple bêtise et fatuité. Dans laquelle de ces deux catégories pourrait-on
placer le mépris et la condescendance de Marie-Dominique Lelièvre ? Je n’aurais osé me
prononcer si un indice n’était venu m’éclairer avec une certaine ironie: la
biographie que la journaliste a très récemment consacré à Françoise Sagan, intitulée
Sagan à toute allure. Un ouvrage miroir, une «œuvre» qui confirme
ce que ce désolant article ne faisait qu’augurer.
Lecture harassante, verve molle, raccourcis paresseux, superficialité convenue, flagornerie vile et fétichisme infantile, tout dans Sagan à toute allure porte la même trace d’un verbe pauvre qui a choisi son camp : chemise propre mais esprit crasse.
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