Mon récit de week-end à Oxford, tu n’y couperas pas. J’ai subi tellement de soirées diapos dans la douleur qu’il n’y a pas de raisons que je ne t’en impose pas une aussi (dialectique classique de la victime devenue bourreau).
Mais ici tu n’auras pas de «ça c’est la langouste» ou «et ça c’est la salle de bain de la chambre» mais un récit qui, s’il est un peu plus trash, a l’avantage de rester 100% naturaliste.
Comme l’écrivait l’insupportable Jean-Jacques Rousseau en Préambule à ses Confessions : «voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon». Inscrit dans ce pesant héritage, voici donc, pour toi, le concert de Justice à Oxford, et sa suite acouphène.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en Angleterre, les sets de Justice commencent tôt (21h). Mais que cet horaire précoce ne décourage pas une seconde l’Anglais dans sa route pour l’ivresse. Au contraire, plusieurs bars dans la salle de concert le soutiennent dans sa ferveur alcoolique en lui fournissant sa dose de bouteilles de bières en plastique (pensées spécialement pour fendre la foule et atterrir sans fracas sur les crânes des premiers rangs).
Rectificatif pour les naïfs: malgré l’imagerie de la croix christique, un concert de Justice n’a rien d’une messe. Il s’agit plutôt d’une célébration bacchanale qui ferait fondre un boulon à Benoît XVI. Pour preuve, mon incursion kamikaze dans les premiers rangs qui a tourné rapidement à la baston sauvage. D’abord pour survivre aux mouvements hystériques de la foule, ensuite pour récupérer ma chaussure que j’ai eu le bon goût de perdre dès les premières minutes. M’en étant finalement sortie pour rejoindre une zone plus spacieuse sur le bord de la salle, j’ai eu la chance d’assister à une scène gonzo-ubuesque de sexe oral, à deux évanouissements, et surtout au concert du duo français.
La bonne surprise, c’est que Justice ne tombe pas dans la facilité de servir ses "tubes" en version CD, mais les transforme en morceaux plus denses, violents et beaucoup plus électroniques. Un set impeccable qui a atteint des sommets sur la dernière demi-heure, avec une montée en puissance de plus en plus hard et jouissive qui a porté la salle en transe, souriante, sautante et comblée.
Evidemment, à l’issue de ce moment, tes oreilles et ton corps en redemandent, et veulent ressentir à nouveau ce sentiment de complétude. C’est ainsi que tu finis dans un bar jamaïcain avec du ska et du reggae à un volume quasi-comique dans les oreilles. Puis dans un absurde club de cagols R&B, la tête dans la baffle et la danse forcément à mille lieues des codes du genre. La suite est faite de chauffeurs de bus acides, de courses de lévriers, de taxidermie improbable, de saignements de nez, d’ébriété plus ou moins modérée, de fish-and-chips et de baked beans. Un programme réjouissant que je t’épargnerai ici, mais pour lequel je remercie cent fois Emilien, mon éternel observateur impartial.
See you soon on the cheapest way Maybe Baby !