Il ne faudrait jamais mourir entre le 9 janvier et le 16 février. En effet, personne n’a jamais gagné son salut un jour de soldes. Pendant cette période, Dieu renie ses créatures, l’humanité déserte l’humain, et les nihilistes se frottent voluptueusement les mains.
En duplex depuis la Rue du Commerce, je te raconterai ici comment j’ai touché le fond.
Le mal a d’abord frappé les autres. Devant H&M, l’homme était devenu un loup pour l’homme. Dans une sorte de redite d’un naufrage célèbre, la solidarité avait déserté l’endroit. Pire encore, les liens du sang n’y survivaient pas. On entendait des hommes dire à leur femme : «Chérie, passe moi le bébé pour taper sur la dame», et l’on voyait des aïeux en chaise roulante servir de bélier pour percer les lignes ennemies.
En face, chez Maje (ou était-ce Agnès B?), des hordes microcéphales saisissaient des bouts de tissus siglés «insulte à l’intelligence», et hurlaient «Géniaaaal 60% de réduction ! Ce qui nous donne ce débardeur en coton blanc pour seulement 180 euros!».
Plus loin, j’ai fini par me muer moi aussi en vulgaire animal pétri d’instinct et de sélection naturelle. Ca c’est passé comme ça : d’un seul coup, j’ai joué de mon mètre 90 pour dissuader quelques petites personnes hystériques de s’arroger la dernière robe Zadig et Voltaire. Et je n’ai même pas eu honte.
La fièvre m’a ensuite totalement gagnée. Et, lorsque subissant l’abus de pouvoir d’une caissière tortionnaire, je me suis transformée en harpie écumante et vociférante, j’ai pu voir le regard affligé de mon Amoureux répondre affirmativement à la question «les Soldes peuvent-ils couler un couple?».
C’est ici que la catastrophe collective rejoint le drame personnel. Des histoires comme on en lit tous les jours dans les magazines.
Et qui me font vous confier que décidément, on est bien peu d’choses.
Ma pauvre dame…
Mon bon monsieur…