Quand cinéma se conjugue avec été (apprécie le lyrisme suranné de la formule), il y a deux déclinaisons intéressantes :
- les blockbusters crétins que l’on n’oserait jamais diffuser ou voir en dehors d’août et juillet. A ce sujet, je vous avais promis d’aller admirer Hulk, mais des êtres injustes l’ont fait disparaître des écrans prématurément.
- les séances de 15h en semaine, que l’on fréquente peu d’ordinaire, à moins de recourir à la feinte dite du "j’ai un rendez-vous client" auprès de sa hiérarchie.
Les séances de 15h sont un trésor méconnu. On y retrouve toute une quantité d’individus touristes à la semaine : des retraités, des étudiants, des désoeuvrés, des égarés, des chômeurs, des femmes au foyer, des qui s’abritent de la pluie, des en avance au rendez-vous, des cinéphiles, des fous…
Riche de cette clientèle, et avec un peu de chance, une salle de cinéma sait se transformer en Cour des miracles.
Par exemple, il y a quelques jours. Le premier jour du reste de ta vie. Après-midi pluvieux. Séance de 15h. 30 personnes dans la salle.
Une vieille dame accompagnée de son fils non moins vieux change 50 fois de places, forçant les rangs à se lever les uns après les autres. Se relève pour aller faire pipi. Oublie où elle était assise. Se trompe 20 fois. Refait se lever les rangs les uns après les autres.
La lumière s’éteint. Un jeune homme vient me demander s’il peut s’asseoir à 12 places de moi.
Le film commence. Un couple de quinquagénaires le commente à haute voix. Se tait. Attend les moments poignants pour parler de la climatisation de la salle.
Pas si loin, le jeune homme pleure en reniflant comme un jeune pourceau.
Un homme met-enlève-remet-re-enlève sa veste en néoprène qui fait un bruit de paquet de chips qu’on froisse.
Une femme quitte la salle au milieu du film et projette son ombre sur l’écran.
On aurait pu rester regarder Inspecteur Derrick (les pubs pour Libra et pour les assurances obsèques qui vont avec) à la maison, mais ça n’aurait pas eu la même saveur.
Au cinéma, le spectacle est dans la salle.
Ce qui arrive plus rarement dans son salon.
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