A mon avis, l’enfance est un univers que les adultes devraient laisser tranquille. C’est pourquoi, la facilité avec laquelle certaines personnes peuvent se répandre sur l’univers des «tout-petits» n’est pas quelque chose qui me met en joie. Trêve d’euphémismes, les florilèges de «phrases d’enfant» me font carrément hurler à la mort, les récits de mère de famille me donnent des envies de suicide, et à chaque «c’est crô mignon, ça», je regrette l’interdiction du port d’armes en France.
Alors quand l’enfance est spécialement mise en scène et travestie par le désir des adultes, je souhaite de toutes mes forces qu’une unité spéciale du CSA soit enfin dédiée au problème. Nulle doute que grâce à celle-ci, Bob Sinclar aurait déjà rejoint Anne Geddes dans une geôle imprenable et éternelle. J’en veux pour preuve, trois clips, triés ici par ordre d’abomination : «Rock this party», «Love generation» et «Sound of freedom». Concentrons-nous sur Rock this party.
Chez Sinclar, on prend des enfants, et on les modèle à l’image des volontés adultes, accomplissant sans complexe un présupposé initialement assez inquiétant : «Des adultes qui demandent à des enfants de jouer aux adultes pour le plaisir des adultes». Ainsi, des gnomes vêtus des costumes de l’histoire de la pop, et ayant appris des poses qui ne peuvent rien leur dire, exécutent devant les caméras un épouvantable numéro de réification. 3 minutes 36 de démonstration de singes savants déguisés, de pantomime surjoué et imposteur, usant d’effets de décalage soi disant comiques qui ne sont pas sans rappeler les publicités OMO. Ce qui ajoute au nauséabond du tableau, c’est que cette farce qui distord l’enfance sous la volonté des adultes, prétend à l’innocence et à la spontanéité en multipliant les «signes extérieurs de fraîcheur» incarnés par d’épouvantables gloussements venant s’ajouter à la musique du clip.
Ce qui est flippant c’est que loin d’être un cas isolé, Sinclar est un signe des temps. Ce clip incarne parfaitement une tendance sociétale attardée, où existe une confusion entre enfance et âge adulte, et où prolifèrent les infantilisés volontaires.
Partout, des individus qui n’arrivent pas à grandir essayent de multiplier les ponts entre eux et leur jeunesse disparue. Soit en voulant faire les enfants à leur image, soit en se faisant à l’image de l’enfance.
La première technique (dont fait partie ce clip) consiste à prendre les enfants en otage de notre difficulté à grandir, en leur prêtant de force les traits de l’age adulte. A chaque nouvelle violence faite à l’enfance sous ces formes me reviennent en tête ces affreuses cartes postale en noir et blanc, où un jeune garçon endimanché offre une rose à une petite fille vêtue comme une marquise de bazar.
La seconde méthode voit des adultes qui jouent aux enfants et invoquent régulièrement «l’enfant (fossile) qui vit en chacun d’eux», sans se rendre compte que celui-ci n’existe plus et appartient définitivement au passé. J’en profite d’ailleurs pour m’adresser à ceux qui ont choisi comme profil MSN, Facebook ou autre, une photo d’eux-même enfant :
Il vous faut choisir votre camp : grandir ou découvrir sans tarder les joies de l’autonepiophilie.
Je n'avais jamais vu ce clip. Je suis de ton avis. En fait je le trouve dérangeant et malsain !
Rédigé par : Anne | 13 janvier 2008 à 15:08
Aaah, j'aime ce ton piquant, ce "vous ne m'aurez pas" du dimanche soir.
Bon Sinclar il ne fait que des remixes, des remixes de remixes, ressassant les musiques de son enfance. Crée-t-il? Pas forcément. Comment donc lui en vouloir de le montrer, d'être ce qu'il est?
Alors que les enfants sont tous diaboliques (http://www.youtube.com/watch?v=5Az_7U0-cK0 ), prêt à vous sucer le cerveau de tout son contenu, toute votre énergie et à en redemande, insatiablement.
Il faudra demander à Beth Gibbons où elle en est avec ça (http://www.youtube.com/watch?v=fG8eQBSp9Ao ).
Oui, je suis d'accord avec toi que notre société a un petit problème avec ce passage à l'âge adulte. On dit que la mère donne la vie et le père coupe le cordon ombilical, c'est à lui de libérer l'enfant de l'enfance et de le projeter dans le monde, la société. Cette même société qui manquerait de (re)pères. Alors nous sommes (nous autres les hommes) metrosexuels, übersexuels au gré des envies de Mr parce-que-je-le-vaux-bien, on a la peau douce comme une fesse de nouveau-né grâce au clinguant rasoir à 4 lames, on mange des salades au McDo pour avoir l'air d'un sportif de salon, on bouge son cul comme une danseuse de flamenco sur de la 'sic dans le vent. Enfin, c'est du bla-bla plus que ressassé que je ponds ici.
Pour citer Jacques Neirynck (un célèbre belge vivant Suisse car on le sait nul n'est prophète en son pays): « nous vivons dans une société ou les robinets fuient et la mayonnaise se mange en tube » Pour deux exemples de b.a.-ba que sont une clé-à-mollette (et un biceps) ou un jaune d'œuf, un litre d'huile (et un sacré coup de poignet). Alors on va chez Picard et cuisinons un bon repas.
Le tout est une histoire de rôles, on peut jouer à se mettre dans le rôle des autres, un peu d'empathie dans ce monde de brutes. Continuer de jouer à la poupée quand on est soi-même parents est le reflet d'une étape manquée qqpart (http://www.americanbabycontest.com/ ) sur son chemin jusque là. Être un(e) ado jusqu'à 30 ans? 40 ans? 50 ans? je ne vois pas pourquoi ça serait interdit ou répréhensible. C'est profondément dommage que ça puisse devenir une normalité. Chanter sur du Captaine Flamme à 30 ans n'est pas loin de l'autonepiophilie que tu décris.
Ayons des enfants qui en soient, qui penvent en être (j'ai une haine farouche envers tous les parcs et "aires de jeux" qui ressemblent à des cages), des adolescents qui ont de le droit et l'obligation de faire des conneries (alcool, drogue, sexe, rébellion, ... le cadre familial est toujours là, et il faut bien faire ses expériences un jour, à 40 ans on a bien l'air con), des adultes responsables, matures, des parents dévoués, présents dans leur rôle de pères et de mères, idem pour les grands-parents, ...
Ensuite toutes les teines sont possibles pour chacun, commençons juste par donner le droit aux gamins d'en être, ils auront drôlement envie de devenir adultes par la suite. C'est le jeu de la poule et l'œuf, ces enfants doivent avoir des parents qui en soient et vivre dans un univers leur étant propice.
Sinclar n'a pas à rejoindre un quelconque ghetto pour enfants n'ayant pas grandi (ou pu grandir) aux côtés de Bambi Jackson. Apprends à tes enfants ce qu'est ce genre de personnalité, il ne demandera que ça.
Et sur qui as-tu envie de taper encore? Les mères de familles qui ont les hormones en ébullition ne font pas une cible appropriée entre nous, c'est trop cliché.
Becs et une bonne semaine dans la bonne humeur, comme d'hab quoi.
Rédigé par : Yoan | 13 janvier 2008 à 23:10
A Anne : Je suis contente de n'être pas seule horrifiée !
A Yoan : Au moment d'écrire cette note, j'ai espéré que tu y laisses un commentaire. Te voilà en verve, me voilà exaucée. Quel beau pays que la Suisse!
Rédigé par : Alexandra | 14 janvier 2008 à 12:44
Assez d'accord et cela amène malheureusement beaucoup de dérive...
Rédigé par : mummy active | 16 janvier 2008 à 16:09