De ma plus belle histoire d'amour ne me reste aujourd'hui que la peine, et une paire de béquilles oubliée dans un coin de l'agence. Parce qu'on ne renvoie pas à celui que l'on aime une paire de béquilles, comme une lettre de rupture ou pour lui demander de revenir.
C'est impossible.
Alors, comme en revanche, on essaye d'inventer à cet appendice une autre existence, neuve et joyeuse. Et on n'y parvient pas jusqu'à ce premier concert de Benjamin Biolay au Casino de Paris, où est écrit sur les tickets "les places assises ne sont pas garanties".
Ainsi, - et tant pis pour l'incivisme- on exhume les béquilles de leur réserve, on les ajuste au corps de quelqu'un d'autre, on se traîne en taxi jusqu'à la rue de Clichy et on met en route la comédie. Face aux centaines de personnes qui attendent devant les stores baissés du théâtre, on sonne à l'entrée des artistes, on émeut des roadies sur sa jambe boiteuse, on se fait accompagner dans la salle complètement vide, pour choisir une place, juste en face de la scène.
Juste en face de Biolay.
Biolay qui arrive, une heure après, saoul et douloureux. Qui commence à déclamer pendant que la foule s'emballe, que des femmes dansent sur leur fauteuil comme sur des comptines inoffensives, exultant à l'oreille de leur voisine "c'est celle ci, c'est celle ci" quand elles reconnaissent certains premiers accords.
Deux heures durant, Biolay évolue de micro en piano, de murmures en râles, d'espoirs déçus en histoires impossibles, de fièvre en sommeil. Et la salle le suit partout, pour finir entièrement debout à siffler dans ses doigts et hurler son amour au héros inconsolable.
Je pleure et souris beaucoup.
Les béquilles gisent à terre.
On dirait qu'elles se souviennent, comme moi, des mains de quelqu'un.
C'est impossible.
Alors, comme en revanche, on essaye d'inventer à cet appendice une autre existence, neuve et joyeuse. Et on n'y parvient pas jusqu'à ce premier concert de Benjamin Biolay au Casino de Paris, où est écrit sur les tickets "les places assises ne sont pas garanties".
Ainsi, - et tant pis pour l'incivisme- on exhume les béquilles de leur réserve, on les ajuste au corps de quelqu'un d'autre, on se traîne en taxi jusqu'à la rue de Clichy et on met en route la comédie. Face aux centaines de personnes qui attendent devant les stores baissés du théâtre, on sonne à l'entrée des artistes, on émeut des roadies sur sa jambe boiteuse, on se fait accompagner dans la salle complètement vide, pour choisir une place, juste en face de la scène.
Juste en face de Biolay.
Biolay qui arrive, une heure après, saoul et douloureux. Qui commence à déclamer pendant que la foule s'emballe, que des femmes dansent sur leur fauteuil comme sur des comptines inoffensives, exultant à l'oreille de leur voisine "c'est celle ci, c'est celle ci" quand elles reconnaissent certains premiers accords.
Deux heures durant, Biolay évolue de micro en piano, de murmures en râles, d'espoirs déçus en histoires impossibles, de fièvre en sommeil. Et la salle le suit partout, pour finir entièrement debout à siffler dans ses doigts et hurler son amour au héros inconsolable.
Je pleure et souris beaucoup.
Les béquilles gisent à terre.
On dirait qu'elles se souviennent, comme moi, des mains de quelqu'un.