Le livre de la semaine (tu as remarqué que je dis ces 5 mots comme si cette note allait venir s'adjoindre à une rubrique littéraire rigoureusement tenue et riche de mes lectures des derniers mois, alors que je ne me suis jamais résolue à suivre la moindre ligne éditoriale, par paresse et idéologie encore mal définie ?), bref, le livre de la semaine sera Paris ne finit jamais de Enrique Vila-Matas, publié évidemment aux éditions 10/18.
Paris ne finit jamais présente les jeunes années d'apprentissage d'un écrivain espagnol -Vila Matas lui-même en l'occurrence- à Paris.
Se pliant à l'exercice de l'exposé pour apprentis-écrivains, Paris ne finit jamais se distingue par un décalage génial entre une volonté prétendument édifiante (le texte est présenté comme une conférence du Vila Matas vieilli et internationalement reconnu devant un parterre d'étudiants), et une ironie inattendue qui plane sur tout le récit. Loin des conseils pontifiants (bien qu'éclairés et éclairants) d'un Lettre à un jeune poète de Rilke, Paris ne finit jamais traite du «métier d'écrire», mais brise férocement au passage les clichés et mythes attachés à la condition d'écrivain.
Pour se faire, le récit des jeunes années présente un Vila Matas qui, convaincu qu'on ne peut devenir un grand écrivain sans se soumettre à quelques rites initiatiques définis par des auteurs «modèles», expérimente scrupuleusement la Bohème, le corporatisme, les poses romantiques, le désespoir et les laborieux préceptes narratifs… Or, chacune de ses expérimentations, au lieu de le transformer en héritier de ses idoles littéraires, l'en écartent toujours un peu plus, et l'entraînent dans un monde de doute et de crise de vocation.
Plein d'humour, impitoyable avec lui-même, et se mettant volontiers en scène de manière grotesque, Vila Matas déconstruit peu à peu le mythe de l'écrivain et brise ces fantasmes banalisés qui collent au monde des Lettres. A l'arrivée, Paris ne finit jamais, démontre que l'érudition peut s'assortir d'humilité, et prouve qu'on peut être un grand écrivain sans être nécessairement un grand homme.
Un livre iconoclaste, indépendant et réjouissant.
Commentaires